Rohff repousse un peu plus les limites du rap français...A peine un an après la sortie de son disque "La Fierté des nôtres", Rohff revient sur le devant de la scène avec le double album, "Au-delà de mes limites". Le rappeur évoque pour nous son parcours et la conception de son nouvel opus.Salut Rohff. Ta dernière livraison, "La fierté des nôtres" était un double album. Tu reviens avec un autre double CD, "Au-delà de mes limites". Comment as-tu fait pour nous livrer 31 nouveaux titres aussi rapidement?J'ai travaillé ! (Rires). Je suis parti en studio à Toulouse. Je me suis enfermé et puis j'ai choisi des sons. J'ai pris des prod' américaines, des prods de Sayd des Mureaux, de Big Nas et d'autres compositeurs français un petit peu moins connus. J'ai construit mon truc comme ça. J'ai fait trois mois d'enregistrement sans faire autre chose.
Pourquoi avoir fait le choix d'un nouveau double album ? Tu avais du mal à faire le tri dans tes morceaux ?J'avais kiffé l'expérience du premier double album. En même temps, j'avais plein de choses à dire, j'avais plein de bon son. Donc je me suis dit "il faut tout mettre". Je n'aime pas trop stocker les morceaux, parce que je me cherche sans arrêt et que je trouve des nouveaux trucs. Ce que je fais, c'est peut-être intemporel pour les gens, mais pour moi ça périme vite. J'aime pas rester avec des morceaux et les ressortir dix mois après. Je préfère faire tout d'un coup. Après, on aime ou on n'aime pas, mais je sais que je ne les ai pas fait pour rien. Je n'ai pas voulu faire de tri.
Pourquoi as-tu choisi d'intituler ton album "Au-delà de mes limites" ?Parce qu'il s'agissait d'aller au-delà de ses limites. Sur l'album précédent, j'avais fait trente morceaux. Entre-temps, j'ai enchaîné des mix tapes, des compiles et d'autres morceaux. A partir de là j'ai eu de l'inspiration et je me suis dit que si je voulais en faire un double album, il fallait aller au-delà de ses limites. Ca correspond aussi un peu à la pochette, où je suis assis sur la France. C'est un peu la suite de "La Fierté des nôtres", juste au niveau du visuel. J'ai grandit dans ce que je fais, je représente la France et il fallait aller au-delà de ses limites. Et puis c'est plutôt positif comme slogan.
RohffQuelle valeur ajoutée penses-tu avoir apporté sur cette dernière livraison ?Pour moi, cet album correspond bien à la mentalité d'en ce moment et à l'humeur du moment. Je n'ai pas du tout cherché à refaire "La Fierté des nôtres", il n'en était pas question. Je tenais à faire un nouvel album. Il y a plein de messages dedans. Le truc c'est d'aller au-delà de ses limites.
Avec qui as-tu collaboré sur ton nouvel opus ?J'ai bossé avec JR, qui avait produit "Ca fait plaisir", "Charisme" avec Wallen et le morceau La "Fierté des nôtres". Il y a aussi LT Moe, Havoc des Mobb Deep, Sayd des Mureaux et plein d'autres. Ce qui est bien c'est qu'ils m'ont fait du son sur mesure. Du coup c'est du gros son et je suis obligé d'être à la hauteur, de trouver des nouveaux trucs, des nouveaux flows, une nouvelle écriture. Du coup, avoir un bon son, ça aide aussi. Côté featurings, il y a Jasmin Lopez, une américaine qui a déjà travaillé avec Snoop. Il y a aussi mon petit frère Ikbal, Djamel, un rappeur du 94 et Soundkail.
Sur ton titre "Seul contre tous", tu parles de l'animosité que tu ressens de la part des autres rappeurs. C'est une réalité ?Non. C'est pas de la part des rappeurs français. Je dirais plutôt du grand public et ce qui peut se raconter sur moi. C'est par rapport à la jalousie, le revers de la médaille.
Il vaut mieux rapper seul que mal accompagné.
Tu as l'impression qu'il y a des gens qui sont de mauvaise foi, un peu haineux, un peu rageurs. En plus, il y a aussi des gens avec qui tu as grandis et que tu as l'impression de déranger. C'est une chanson pour dire que je suis seul contre tous et qu'il vaut mieux rapper tout seul que mal accompagné. J'ai fait du ménage depuis. De toute façon, on est contraint de le faire !
Sur "Au-delà de mes limites", il y a aussi "Starfuckeuze", un titre plus léger...C'est une chanson pour les meufs de la nuit (Rires). C'est pas vulgaire, c'est plus subtil, ça fait encore plus mal. C'est sur un son américain, une prod' américaine. Je voulais faire un hymne pour elles. Bien sûr, je parle en connaissance de cause. On en entend parler, on en a croisé... Tu devines bien que les rappeurs ou les footballeurs en parlent. Les starfuckeuzes, elles sont cramées ! C'est un milieu, un circuit. C'est drôle, parce que partout où il y a des gens susceptibles d'attirer les starfuckeuzes, tu les verras toujours pas loin, dans le carré V.I.P ou assises près du deejay.
RohffLe premier extrait de l'album c'est "1er sur le ghetto". C'était un clin d'oeil ou un coup de griffe à la station de radio Skyrock ?C'est ni l'un ni l'autre, en fait. J'ai dit la phrase parce que c'est vrai. Pour moi on est 1er sur le rap devant Laurent Bouneau (Ndlr : le Directeur Général des programmes de Skyrock).
Sur ton album il y a aussi le titre fort "Regrettés"...C'est un morceau pour rendre hommage à des gens qui sont partis, entourage proche, des amis, des potes, des tontons, un oncle... C'est un morceau que j'ai toujours voulu faire, mais j'attendais le moment et surtout d'avoir le son qui va avec. C'est sorti tout seul. En même temps, j'ai donné ma position par rapport à la popularité, à la mort etc... C'est un morceau que j'apprécie et qui me touche tellement, que j'évite de trop l'écouter ! Quand il passe quelque part, je bouge.
Rohff Tu veux bien me parler du titre "Fumer un mec" ?C'est l'histoire de quelqu'un qui a des pulsions meurtrières. J'ai exposé la situation entre la voix du bon conseiller et la voix du démon. J'ai fait une voix claire et une voix grave pour distinguer les deux. Tu en as un qui dit de ne pas le faire, il parle des conséquences, et puis tu en as un qui te dit de le faire. Après c'est à lui de trancher. C'est un morceau plutôt positif. C'est pour montrer à quoi on est opposé quand on a des pulsions meurtrières.
Que t'ont inspirés les récents événements dans les banlieues ?Moi je me dis que ça n'a pas changé. Je me dis que c'est un peu cohérent, que c'est plausible. J'ai créé plein de titres qui racontent bien ce qui se passe en ce moment, comme "Génération sacrifiée" sur mon premier album "Le Code de l'honneur" ou comme "Message à la racaille" sur "La Fierté des nôtres". Ce sont de bonnes réponses.
Rohff On dit de toi que tu es devenu une des références rap en France, un véritable phénomène. Ca te donne envie de répondre quoi ?Ca me donne envie de continuer, de ne pas me reposer sur mes acquis, de continuer à squatter le studio, à chercher des nouveaux trucs et à écrire des textes. Le Monde tant qu'il tourne n'a pas fini de m'inspirer. Je ne m'inspire pas que de ma vie. Je m'inspire de mon vécu et du votre.
Sur la couverture de ton dernier album, on te voyait assis sur l'Arc de Triomphe. Cette fois, on te voit assis sur la France. Tu voulais faire passer quoi comme message ?Ca correspond aussi au titre, d'aller au-delà de ses limites. Façon de dire que j'évolue dans mon art, que je m'impose des défis, que je représente toute la France et puis aussi pour faire parler !